LE STAFF :
UN MATÉRIAU DE PLUS EN PLUS SOLLICITÉ
Caprice de bourgeois ou véritable atout dans la décoration intérieure ? Le recours au staff s’est aujourd’hui généralisé ; adulé à telle enseigne que d’aucuns estiment que construire une belle bâtisse sans staff laisse un goût d’inachevé ! Au Plafond, sous formes d’armoires ou d’étagères…, le staff a aujourd’hui divers usages et offre un large éventail de possibilités dans la décoration. C’est l’avis du professionnel Ablam Kodo qui défend non seulement un métier mais surtout un art aux multiples avantages.
« Autrefois, c’était le privilège des personnes nanties. Peu de personnes sollicitaient un staffeur dans les constructions. Aujourd’hui, pratiquement tout le monde a recours au staff parce que c’est devenu un indicateur d’esthétique dans la construction et la décoration. Quand vous construisez aujourd’hui un bel édifice et que vous ne staffez pas les plafonds et certains endroits stratégiques, ça laisse un goût d’inachevé ! Et il arrive même que des locataires fassent appel à des staffeurs pour améliorer l’esthétique de l’appartement qu’ils ont loué ! C’est la preuve que le recours au staff s’est répandu et n’est plus l’apanage des riches », fait observer le staffeur Ablam Kodo.
Fort d’une expérience de plus de 25 ans, Ablam Kodo parle de ce qu’il maitrise ! A raison, ou à tort ; ce qui reste évident c’est que le mythe de la bourgeoisie autour du staff tend à disparaitre. Tant son usage s’est répandu ! Mais dire que le staff était un privilège de riches ne semble pas si loin de la réalité d’un certain temps où l’on ne voyait le staff que dans les villas de luxe et les complexes résidentiels d’un certain standing ! La décoration staff était alors utilisée pour embellir les appartements bourgeois aux plafonds étendus. Et ces décorations prenaient des formes de corniche, de rosace, de toile… Paradoxalement le staff apparait dans des conditions où la bourgeoisie elle-même était en quête d’une solution décorative beaucoup moins onéreuse. C’est en effet pour restaurer les bâtiments détruits pendant la Révolution française que les décorateurs vont se tourner vers des matériaux moins couteux que le stuc, dont la technique remonte à l’antiquité et dont l’usage est plus exigeant ! Va alors émerger le staff qui est un matériau de construction préfabriqué à base de plâtre armé de fibres. Vers 1850, le Français Mézier a l’idée de réaliser une première corniche préfabriquée armée d’une toile de jute (plante cultivée dans les régions tropicales et prisée pour ses fibres naturelles).
Mais les premiers brevets seront déposés respectivement en 1856 et en 1861 par Eugène-Denis Arondelle et Alexandre Desachy, qui ont réalisé de nombreux décors en staff pour l’empereur Napoléon III. Puis, l’usage du staff va se développer à une plus grande échelle à la période dite la Belle Epoque (fin XIXème siècle et début XXème siècle) pour s’imposer aujourd’hui dans le cercle des métiers d’art et dans la construction. Pour l’expert Ablam Kodo, n’est pas staffeur qui veut.
Il précise : « La décoration staff est un art qui impose certaines qualités. Il faut donc avoir du talent ! Dans notre contexte au Bénin, pour devenir staffeur, il faut aller en apprentissage pendant cinq ans en moyenne ! Mais ailleurs, c’est un métier qui est appris dans des écoles et qui a plusieurs branches de spécialisation. On parle de staffeur ornementiste sculpteur, architecturier… »
À l’œuvre !
Plâtre, filasse, graisse, fils de fer et pointes… sont selon Ablam Kodo, les matériaux usuels dont se servent les staffeurs. « Le plâtre est le matériau essentiel, c’est la matière première du staff. Et le filasse permet de donner de la solidité au plâtre. Avec de l’eau, on mélange plâtre et filasse selon une proportion bien déterminée. C’est comme lorsque le maçon mélange le gravier au ciment pour obtenir un mélange plus solide », explique Ablam Kodo. Cette étape, poursuit-il, est appelée la fabrication. La graisse est utilisée à l’étape de la fabrication juste pour rendre lisse la surface plane où est fabriqué le plâtre. Selon les cas, deux à trois jours après la fabrication, le staffeur aura besoin de pointes et de fils de fer pour l’échafaudage et la pose du staff préalablement fabriqué. « Après avoir posé le staff, on laisse cinq à dix minutes puis on retire les fils de fer et tout autre élément étranger. La finition est une étape très importante car elle peut déteindre sur la beauté de l’œuvre du staffeur », nuance Ablam Kodo. En général, les manquements remarqués après un staff sont dus soit à la finition, à la dose des matériaux, au collage… C’est pourquoi, il faut éviter de faire un travail bâclé. Car si l’eau s’infiltre dans un staff mal fait ! Le travail du staffeur est dévalorisé. « La dextérité du staffeur et son sérieux peuvent se lire à travers la finition du staff. Si le plafond n’est pas droit, malgré tout ce que le peintre pourra faire, on sentira les courbes imparfaites», atteste l’expert. Il conclut que la pose d’un plafond staff passe par l’expérience d’un staffeur, car cela nécessite une expertise et un savoir-faire !
Créativité !
Souvent négligé lors de l’aménagement d’une maison, le plafond a désormais une meilleure attention et contribue à la décoration de la pièce. Un plafond staff peut être constitué de divers ornements: corniches, rosaces… Le choix de la forme du staff est assez large. Les corniches se présentent comme des bordures encadrant le plafond de la pièce avec des styles variés. Fixées au plafond comme par exemple autour d’un lustre, les rosaces et coupoles ont l’apparence de grandes roses. Le staff permet de réaliser des moulures variées. Il peut être personnalisé et s’adapter à tous les styles de décoration et à tous types de pièces. «Aujourd’hui le staff a pris une grande ampleur!
Avant on pouvait se contenter de certains modèles classiques mais de nos jours, il y a une grande multiplicité de modèles. Vous allez sur la toile et vous verrez différents modèles de staff, les uns plus impressionnants que les autres », fait savoir le staffeur Ablam Kodo. A l’en croire, cette multiplicité de modèles et leur diffusion sur la toile a un effet pédagogique sur les staffeurs: « Il y a tellement de possibilités aujourd’hui! Déjà tout staffeur est amené à créer, à réfléchir, à se mettre à jour, de façon à avoir un style particulier. Mais avec tous les modèles qui sont déversés sur la toile, nous enrichissons aussi notre expérience.
On peut apprendre d’un modèle, faire des critiques constructives pour s’améliorer davantage ». Mais de plus en plus, c’est la tendance qui oriente les choix des clients. « Les modèles en vogue aujourd’hui, ce sont les ceux que l’on appelle cache-lumière ! Les clients ne se contentent plus simplement des corniches ! En plus ce ne sont plus simplement les plafonds qui sont staffés. Nous faisons le staff pour les pose-Tv, pour les armoires, pour les étagères de bureaux… », explique Ablam Kodo.
Avantages
En plus d’apporter de l’originalité et de l’élégance à une pièce, le staff offre plusieurs avantages. Le staff est un matériau très résistant, naturel, ininflammable et écologique. Il est naturel car il est fabriqué à partir de fibres végétales (filasse de sisal, de jute ou de silicone) et de plâtre. Ce mélange de plâtre et de fibres végétales apporte de la solidité au staff. Il est ininflammable car il constitue un bon isolant et une protection contre les incendies. Grâce à sa composition, il peut arrêter la propagation du feu. Le staff est écologique car il joue un rôle important dans la régulation hygrométrique de la pièce, c’est-à-dire dans la mesure et la teneur en humidité de l’air. « Le staff permet d’éviter les déperditions de chaleur. Il est donc une solution pratique dans les zones où il y a trop d’humidité, dans les appartements en proie à la propagation de l’humidité dans les murs et dans l’air ambiant.», indique l’expert Ablam Kodo.
A l’en croire, le staff est aussi un régulateur acoustique. Il ne diffuse ni n’absorbe le son. En outre, le staff est, à l’en croire, un atout dans les opérations immobilières. « Même ceux qui construisent des appartements à louer, font de plus en plus recours au staff pour embellir l’appartement afin de fixer un prix avantageux pour le bail », relève Ablam Kodo pour qui, le staff n’est pas une dépense inutile. « C’est un travail qui est prisé aujourd’hui. Et à ceux qui pensent que c’est un gâchis, je leur dirai qu’ils finiront par changer d’avis d’ici peu », assure-t-il.
Faux-plafonds ou staff ?
Les classifications des plafonds diffèrent selon les matériaux utilisés et le style. L’on distingue entre autres : le plafond en plâtre armé ou plafond staff ou encore plafond à caisson ; le plafond fixé, le plafond à la française ; et le faux-plafond suspendu ou tendu… Mais pour Ablam Kodo, il n’est pas question de confondre faux-plafonds et staff. Il juge le terme faux-plafonds assez péjoratif au regard de l’exigence du staff. «Quand on dit faux[1]plafonds, de façon générale, cela fait référence à une alternative en toile ou en contre[1]plaqués pour cacher le véritable plafond et faire disparaître les défauts. Cette appellation ne permet pas de ressortir le côté artistique du staffeur. Mais quand on parle de staff partout au monde, on sait que c’est une œuvre de décoration qui rehausse les édifices et bâtiments ! Et comme tel, c’est une profession exigeante», soutient Ablam Kodo, dithyrambique et fier de son métier.
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